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Journal de réflexion sur le soin psychiatrique

Celle qui vivait nue

Je me suis mise doucement à habiter
mon corps. Il a cessé lentement d’être
“mon corps”, pour devenir “moi”.
Michelle Lapierre-Dallaire, 

Y avait-il des limites si oui je les ai franchies mais c’était par amour ok
je viens ici parce que je sais ce que je cherche et je sais qu’ici on ne peut pas me trouver, moi,
en revanche, j’y trouve tout ce que je veux puisque je gratte la terre avec les ongles jusqu’à ce
que je la sente en moi, mienne, j’ai entendu qu’on me disait folle car oui j’ai des oreilles, iels
disent que je procrastine, moi je dis juste que j’ai choisi un autre mode de vie : celui de
gratter la terre jusqu’à lui ressembler, jusqu’à ce qu’on me confonde en elle. un jour on m’a
porté·e disparu·e et ça m’a fait rire parce que tout le monde me cherchait alors que moi,
j’avais trouvé tout ce que j’avais à trouver
*
je ne suis pas en fuite
je n’ai pas de prénom parce qu’on ne me nomme pas
je suis transparent·e
je suis là seulement si je l’ai décidé
et ce sont leurs schémas qui m’ont indiqué une direction
au début j’y étais sur le chemin de leur Réussite
puis j’ai décidé que j’avais autre chose à foutre de ce corps perdu
que de le laisser à des mains sûres d’elles
des mains qui disent c’est exactement comme ça qu’il faut faire
des mains qui omettent que les miennes existent
et qui omettent leur potentiel fantaisiste ;
c’est la forêt qui m’a murmuré comment les incarner
*
je ne crois pas au mythe du devenir soi seul·e, j’ai bien conscience de n’être pas désincarné·e,
même s’il a fallu des années pour que je reconnaisse ma chair comme une semblable parce
que je me suis nourri·e d’Autres qui me semblaient si loin de moi, c’est pour ça que je vais
nager à la rivière parce que ça me sauve de nager au fond de l’eau je laisse tout ce que
j’aimerais qu’on ne voie pas j’y laisse aussi ce qu’iels projettent sur moi et toutes mes
espérances perdues pour ne pas que je coule avec elles, ça fonctionne bien parce que je suis à
la surface les oreilles totalement englouties par l’eau qui m’entoure et comme ça, seulement
comme ça je peux admirer le ciel et ses rayons sans rien y voir d’autre, comme si j’y étais,
comme si on ne faisait qu’une avec l’eau et la terre
*
on me croit souvent sans passé, on pense que j’ai toujours gratté la terre avec les ongles mais
il a fallu un chemin monstre pour que je m’attèle à cette humble tâche. on croit que je vis
nu·e parce que je suis sans visage mais je ne suis pas sans histoire, je l’ai laissée à la porte de
cette forêt qui est devenue ma maison, tous ces souvenirs qui sentent le gâteau nature, les
lilas, le désinfectant que je confonds avec du chlore, les fauteuils de cuir bleu, les jouets en
plastique bon marché, les bobos sur les genoux, la gêne saumon sur mes joues, les rêves
lucides que je croyais être d’autres vies, l’odeur du goudron mouillé, la frénésie des tables de
multiplication, les balades dans les champs ou à ramasser les châtaignes en octobre, les
angoisses nocturnes, les doutes qu’on prenait pour des certitudes, et très tôt parmi ces jouets
inanimés et l’odeur des pommes fraîchement cueillies, la violence des mots.
*
je passe le clair de mon temps à gratter la terre et je cultive ce qu’on juge inutile de cultiver,
j’y prends un mâlin plaisir, je pratique l’attente oisive avec assiduité, je peux affirmer avec
fierté je récolte ce que j’ai semé sans faire référence à aucune tempête, mes graines portent en
elles de sacrées victoires
parfois je vais marcher dans les montagnes et je ne connais pas les heures, de toute façon je
n’ai ni montre ni horloge, ici il n’y a que le soleil et ses rayons qui me guident. je me fie aux
saisons et à la météo, j’ai l’air woke mais je crois que j’ai juste la flemme des horaires ça me
déprime c’est l’heure du déjeuner mais si je n’ai pas faim ? c’est l’heure de dormir et si je
n’ai pas sommeil ? le temps est la dernière injonction que j’ai rejetée ici
*
sentir l’odeur des jasmins la cascade s’abattre sur mes pieds de manière continue les oiseaux
vivre leurs vies d’oiseaux les nuages qui flottent au dessus de ma grange le feu de bois au
crépuscule les lucioles qui s’animent quand le soleil se fait la malle la dureté des rocs quand
on marche pieds nus la forêt qui vit de jour comme de nuit
une fois on m’a dit je sais pas comment tu fais pour vivre comme ça j’ai répondu j’ai des
pouvoirs magiques je pratique le vol avec assiduité et c’est super parce que je suis tout le
temps déréalisé·e alors j’ai aucun foutu compte à rendre à la morale
*
elle confie à la rivière le monde est effrayant quand on ne connaît pas ce que l’on aime moi je
n’ai rien dit j’ai continué de fixer les petites truites qui dansaient autour de mes chevilles
comme des guirlandes lumineuses puis la colère a frappé comme un éclair à l’intérieur de
moi je me suis dit le monde est effrayant quand on connaît ce que l’on aime parce qu’il n’y a
rien de plus effrayant que de vivre les amours comme des possibles quand vous les avez
toujours envisagés comme des songes, il n’y a rien de plus effrayant que de vivre l’énergie
collective, celle qui pousse et qui crie, enragée-ennamourée jusqu’aux os vas-y tu y es
presque je suis là je te vois
*
geyser émotionnel – chantier abandonné – recyclerie de presquerien – folie coûteuse
c’est pour ça que je vis loin de l’agitation des mondes je garde mon grain de sel je prends sur
moi j’évite les batailles parce que mes conflits intérieurs prennent déjà trop de place, je ne
m’épanouis qu’en ma propre présence parce que c’est celle que je connais le mieux, et parce
que la météo et les saisons ne trompent jamais, oui, même avec le réchauffement climatique,
d’ailleurs il y a quelque chose de rassurant à écouter la pluie tomber en buvant un thé brûlant,
imaginer le monde se noyer est fantasmatique
*
j’ai longtemps pensé le masking1 mon meilleur allié mais je crois que ça ressemblait plus à :
chantier chantier chantier je sais même plus distinguer mes outils ce serait comme réparer une
machine à laver avec un drap de coton : je le pose délicatement autour pour qu’il embrasse
cette carcasse de ferrailles puis on verra ça plus tard comme si c’était pas important on n’en
parle plus on fait comme si on n’en avait pas besoin t’as claqué toute tes économies pour
pouvoir laver tes fringues ? tant pis pour toi trimard tu iras voir ailleurs si j’y suis, aucune
autre corde à ton arc mais devine quoi c’est pas mon problème
c’est pas mon problème
j’ai confondu les voix
tu ne sais pas quel chemin prendre ? n’en prend aucun
*
un jour j’ai ri dans un endroit où il ne fallait pas, le genre de rire qui coule en abondance ça
déborde celui que tu ne peux ni fuir ni enfouir dans tes entrailles et je savais que personne
n’allait rire avec moi, j’ai le rire solitaire, alors je ris plus fort encore que de ne l’imaginer
qu’à moi. gratter la terre légitime mon rire, je ris quand je prends des coups, je ris devant le
spectacle de mes tourments, je ris devant ces Autres et je ris de leur performance, je ris quand
je constate que je suis perdu·e
le mot perte résonne autrement dans mon chantier
*
j’embrasse ma solitude
je me lave dans la rivière j’honore mon corps depuis que je le rencontre hors de vos schèmes
je ris quand je rencontre l’entre deux mondes, celui des Autres et celui que j’ai choisi
je ne vis pas en autarcie, ce serait mentir, parce que elleux viennent me voir, on fait des feux
de camps, on partage des repas, on randonne dans les forêts et hors des sentiers battus, on
connaît la nécessité des rires partagés, on se sait, on collectionne les anecdotes, on en fait des
trophés, on refait nos vies mille fois et un peu celles des Autres
ce sont ces Autres qui m’ont offert le goût de ma solitude et je le dis sans amertume je le dis
comme on dirait merci
*
je suis comme les tomates à mi chemin entre les légumes et les fruits je suis inclassable et on
ne sait pas d’où je viens je suis un patchwork de tout ce que j’ai connu et tout ce que je ne
connais pas encore
j’aime être ici parce qu’on n’est pas obligé·es de trouver du sens à tout prix, la vie se suffit à
elle même, je n’ai jamais autant aimé les choses simples depuis qu’elles sont mes seules
préoccupations boire un thé chaud au lever du soleil marcher pieds nus dans le sable sentir les
pins parfumés, sentir les rayons brûlants transpercer nos peaux dénudées, sentir un souffle
1 stratégie de survie qui consiste à cacher (masquer) certaines caractéristiques de notre existence, dont certains
de nos besoins ou de nos limites, dans le but de s’assimiler, de ne pas faire de vague. ce “camouflage social” a
été notamment théorisé par des militant·es autistes, Qu’est-ce que le “masking” autistique ? – Survivre &
s’épanouir
tendre et aimant sur nos nuques réservées, regarder le soleil tomber, être attentif·ves aux
variations de lumières, les montagnes, courir quelques minutes pour sentir nos poumons
brûler, regarder les insectes grouiller, et toujours, gratter la terre avec les ongles
*
ces injonctions bousillent mon cerveau tout pété alors j’essaie de ne pas lâcher le morceau
j’essaie de me dire ça vaut la peine de comprendre je suis venu·e ici avec l’idée de laisser le
sens à l’entrée des forêts, le laisser couler dans les fonds marins, là où personne ne mettra
jamais les pieds, je me suis moqué, satisfait·e, méprisant·e, je t’ai bien eu en te laissant là,
livré à toi même mais il me rattrape toujours
j’en veux, les souvenirs ne me suffisent pas, il faut tout refaire tout analyser je cherche des
modes d’emploi qui n’existent pas, j’assome de questions mes êtres aimé·es, je tourne autour
du pot en pensant que je trompe le sens mais c’est lui qui me promène, c’est ok j’ai trouvé
dans la perte une lumière qui me guide, j’ai dit fuck va t’en pour offrir à mon corps un espace
des possibles j’ai dit fuck va t’en à mon rasoir mes vieux vernis et toutes les preuves qui
faisaient de moi une meuf j’ai dit le placard est à vous maintenant, j’ai transformé ma colère
pour en faire un habit confortable, j’ai transformé ma colère en chaleur,
je me suis trans – formé·e
*
peut être que ce que l’on aime chez les autres sont les qualités qui nous manquent, j’ai pensé
qu’iel avait raison alors j’ai pris cette indication au pied de la lettre et je me suis aperçu·e que
ce que j’aimais chez toi c’était ton regard, si la douceur avait des yeux elle aurait les tiens
c’est sûr, je me dis pourtant j’en ai des yeux moi aussi alors j’ai continué de chercher parce
que je pense que je me suis bien mis le doigt dans l’oeil
*
je n’ai pas trouvé la paix : j’ai abandonné cette idée
je préfère accueillir les conflits à bras ouvert, mes victoires sont vivantes, je chante le monde
avec des âmes perdues, je vis selon mes propres règles et je me fous du reste
ce qui change, par contre, c’est que j’ai appris le soin et sa nécessité, j’ai appris à voler du
temps au temps, j’ai rencontré ma temporalité, j’ai embrassé mes capacités elles sont là, j’ai
dressé un état des lieux des outils à disposition ok ça on garde ça on l’envoie bazarder ça on
verra plus tard, j’ai cessé de défier la douceur qu’on m’offrait en attendant de voir si elle
reste ou bien, j’ai cessé de dire oui aux angoisses tordues, j’ai dit fuck va t-en j’ai pas besoin
de toi quand il le fallait, et j’ai dit je t’aime quand il le fallait, j’ai pris des pincettes et
d’autres fois j’ai tourné comme un lion en cage en comprenant que c’était ça ma forteresse,
que je l’avais trouvée, que je n’ai jamais eu besoin de plus que ça
j’ai su reconnaître ce que j’admirais chez les Autres et c’est à ce moment seulement que j’ai
vécu leur présence comme des diamants
*
j’ai toujours eu peur de manquer et je crois que c’est une des raisons qui m’a mené·e
jusqu’ici, oui, d’ailleurs mes troubles m’en ont touché deux mots ce n’est pas assez mange
encore ce n’est pas assez gère mieux tes réserves ce n’est pas assez ce n’est pas assez mange
jusqu’à sentir les contours de ton corps mourir sous les coups de nutriments que je lui inflige
ce n’est pas assez aucune juste mesure aucune gestion du manque c’est pour ça que je suis
perdu·e, mes frustrations ne sont pas des boussoles, elles sont des cartes indiquant des
endroits qui n’existent pas, je ne navigue pas en eaux troubles, je navigue dans plusieurs
réalités et je n’existe dans aucune d’entre elles. c’est pour ça que j’ai toujours un sac à dos sur
les épaules, je ne sais jamais où je me trouve alors je m’arrange avec ce corps, échanges de
bons procédés, je lui fais porter tout ce dont, je pense, il aurait besoin
*
je sais maintenant pourquoi le soleil brille davantage ici
ailleurs, je suis ce que vous voulez absolument que je sois : Autre, ce sont vos mots qui me
façonnent, ce sont vos gestes qui me déterminent, je ne suis rien puisque je suis Autre,
puisque je suis un variable qui change à partir du normal, je suis le pathologique qui vous
amuse et vous fascine, je suis la difformité de vos cauchemars, celle qui vous fait soupirer
après vous être réveillé.es en sursaut. je ne peux pas vous convaincre : vous le faites seul.es
je ne peux pas être tel.le que vous m’imaginez puisque vous ne m’imaginez pas
*
souvent j’observe parce que je crois que cellui qui observe a tout gagné oui je crois que c’est
ça que je suis venu·e chercher ici, j’ai entendu parler de vita contemplativa, aucune idée de ce
que c’est dans l’expérience mais peut être que c’est juste une histoire d’observer le
mouvement des canards quand ils plongent leurs têtes dans l’eau (est-ce vraiment pour se
laver ?) ou à nouveau, de gratter la terre avec les ongles
*
humidité souillure verre de terre gratte encore roche ça grouille la terre me possède jusque
sous les ongles et je m’incarne enfin parce que je gratte, ici la juste mesure n’a pas
d’importance, il n’y a que le mouvement qui compte vraiment, sentir l’humidité de la terre se
décomposer entre mes doigts, être læ témoin de notre rencontre, rendre visible ces racines qui
me déterminent et les arracher si je décide que c’est mieux comme ça
*
quand je les entends parler de moi j’ai l’impression d’être une bête de foire oui je vis dans la
forêt parce que je l’ai décidé mais c’est pas une raison pour m’ériger en chef·fe de file je ne
rêve que de ça me fondre dans la masse mais la vôtre ne m’inspire rien par exemple je n’ai
jamais aimé acheter mes fruits au supermarché (qui pourrait bien aimer ça ?)
je le dis sans haine, qui mieux que moi pour vous comprendre ? quand on n’a pas le choix on
se persuade d’aimer, mode survie activé, le souci c’est que même les marchés me mettent mal
à l’aise je pense aux centaines de kilomètres qu’ont parcourus des fruits juste pour finir dans
mon estomac, ça me met mal à l’aise, quand je parle de ça et que je suis écouté·e une
ambiance de cadavre règne, que des mâchoires qui tombent, pourtant c’est vos supermarchés
qui sentent la mort et il n’y a qu’ici que je trouve ma revanche
*
on pourrait me penser snob et peut être que je le suis un peu mais mes rêves n’ont de place
qu’ici, même en dormant, des fois je veux être invincible alors je gohst les limites, je n’ai
juste pas compris qu’être invincible c’est être rencontré·e alors je me plante je sabote mais ne
récolte rien je le savais pourtant des fois je crois au mythe de l’humain capable, au mythe de
l’individualiste, à cellui que rien n’arrête qui réussit tout tout·e seul·e
mais je sais bien que c’est à travers tes yeux
que je suis en construction
vivant·e
mouvant·e
organique
et je sais que si mon corps prend sens c’est parce qu’il y en a d’autres autour de lui
*
vous ne voyez que la tiny house et la douche en plein air mais je suis plein·e de secrets, j’ai
plus d’un tour dans mon sac, oui, et je pourrais le crier je ne suis pas devenu·e fol par hasard,
il y a bien un chemin qui m’a mené·e jusqu’ici
brouillard, je suis intraçable, j’ai l’impression de m’être réveillé·e d’une énorme cuite sans
avoir profité de rien, impression d’avoir loupé la soirée du siècle tout le monde dit c’est super
c’est sensationnel je ne sais pas de quoi vous parlez mais j’écoute quand même dans l’idée
d’en tirer quelque chose de profitable
Vous qui tracez les contours de mon corps avec vos mots, les miens vous sont destinés, je ne
suis pas ce que vous me dites d’être, c’est le langage de l’oppresseur mais j’en ai besoin pour
vous parler écrit Rich, moi j’emmerde votre langage, vos symboles, votre entière culture, je
créerai des ponts invisibles pour celleux que je ne veux pas voir entrer dans ma forteresse,
c’est pas grave, j’en créerai d’autres plus solides pour celleux que je veux voir demeurer près
de moi, si ça marche pas j’essayerai autre chose, je reconnaîtrai mes semblables grâce au
riromètre, je guette le moindre rire, j’ai appris à les distinguer, rire gêné rire timide rire je te
sais rire je te sens rire arrogant rire méprisant rire accréditation rire conforme rire étouffé rire
silencié sous-rire rire insecure rire moi aussi j’ai vécu ça et je m’en moque, j’ai réussi à en
faire quelque chose, rire-amour
*
je parle de ce qui me chante parce que ça me fait du bien, je collectionne mes plaisirs
immédiats sans avoir à l’esprit leur manifestation arbitrairement éphémère, je sais mettre le
doigt là où ça fait mal sans jamais penser à amener les pansements et le désinfectant, je sais
ce qu’on peut bien me reprocher t’es frappadingue ou bien t’es complètement déséquilibré·e
ou encore t’es bizarre, t’es cinglé·e, dérangé·e, perché·e, toqué·e, névrosé·e ; j’écris en
italique mais je mens, personne n’a encore osé me le dire, je l’ai juste vu dans les yeux de
quelques Autres
*
j’essaie de me rencontrer, en vain, peut-être que j’énonce juste l’histoire de mon Autre, celle
qui vit nue mais caché·e, celle qui se connaît mieux que quiconque et qui dissimule tout, celle
qui trouve le brouhaha ennuyeux et qui vit les choses douces comme des joies, celle qui
n’appartient à personne, pas même à iel-même, celle qui se sait perdue et trouvé·e, celle qui
danse librement seulement lorsque aucun regard n’est posé sur ellui, celle qui se trouve et qui
continue de chercher ses Autres
*
un jour on m’a dit la lune n’éclaire rien mais moi je trouve qu’elle réfléchit assez pour la voir
et je crois que c’est ça briller, pas besoin d’éclairer d’autres planètes tant que la sienne est
alignée
*
j’ai envie de dire merci pour les sourires merci pour t’avoir rencontré·e merci pour les plats
que tu as préparé avec beaucoup d’amour et d’herbes aromatiques fraîchement coupées
merci pour les lectures à voix haute partagées merci pour avoir tuer le temps à mes côtés
merci pour les câlins merci pour le duvet à plumes merci pour la fête et la douceur merci
pour tes idées réconfortantes et ton écoute active merci de danser librement avec moi merci
de ne pas museler ton chaos merci pour les rires aseptisants merci pour les voyages
immobiles et ceux partagés à sac à dos merci pour avoir bu mes larmes merci pour les nuits
d’euphorie mais je dis juste merci
*
je ne veux pas qu’on me dise ça ira je préfère faire un état des lieux autogéré du chantier de
merde qui me constitue, oui, je n’ai d’autre choix que d’admettre que l’isolement est une des
solutions que j’ai trouvé pour créer des ponts, pour apaiser les brûlures affligées par des
traumas encore frais, c’est ok, j’ai dit c’est ok les marges j’ai chéri ma folie et tous mes
troubles j’ai dit c’est ok de sortir des schémas battus j’ai dit c’est ok de ressentir même si
c’est trop fort, j’ai couru jusqu’à ne plus pouvoir respirer je fume trop de clopes j’ai dit c’est
ok les ruptures elles me constituent autant que la fluidité et les liens continus, j’ai dit c’est ok
les douleurs chroniques je vivrai ma temporalité tant pis pour celleux qui vont vite, j’ai dit
c’est ok le chaos si je crée du lien avec lui, si je rencontre ses contours et qu’il trouve sa place
auprès de moi, j’ai dit c’est ok d’être moi en étant perdu·e, j’ai dit c’est ok j’embrasse le
lesbianisme à pleine butch j’ai dit c’est ok de ne pas faire ce qu’on me dit de faire j’ai dit
c’est ok les ténèbres si c’est moi qui les choisi : je gratte la terre et j’embrasse mon chaos
avec la langue tant pis pour les jaloux·ses

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