Bonjour,
Je vous écris, pour vous situer, de Nice, où je suis actuellement suivie pour schizophrénie et addiction à la cocaïne. Ce suivi prolonge une hospitalisation en service fermé de 9 mois à l’hôpital saint marie. Suite à votre appel à contributions, je voulais vous partager mes doutes sur ma maladie et mon vécu de l’expérience psychiatrique.
Saint Marie ? Après 3 mois à l’hôpital Bichat de Saint denis en région parisienne, dans une chambre située en face du crématorium et avec une psychiatre s’assimilant à une fliquette adepte du surdosage médicamenteux –hôpital dont je me suis enfuie pour le réfugier dans la montagne. Après ce séjour marquant donc, l’hôpital sainte marie, même en service fermé, avec son jardin, ses agrumes et ses oliviers propices à la balade, m’a semblé moins pire. J’y ai tout de même passé 9 mois, en service fermé, le temps que je refasse mes papiers après deux ans d’errance en France et en Italie sans autre bagage que mes vêtements. Le temps aussi selon les termes utilisés par les soignants que je me « recivilise » et sorte de ma « sauvagerie ». Parce que refuser le système est assimilé à de la « sauvagerie » et à une maladie psychique…ce diagnostic ne confond-il pas positionnement politique (et méfiance vis-à-vis du monde suite à des années de rue et de galère. même si la rue n’est pas que ca c’est important de le redire avant d’être à nouveau enfermée dans une case) et schizophrénie ? Cette dernière est définie par le dictionnaire Vidal comme une incapacité à discerner le réel de l’irréel, ce qui se traduit par des délires et des hallucinations mais aussi par une désorganisation de la pensée, ce qui entraine un isolement social et un repli sur soi.
Depuis mon plus jeune âge je souffre d’une grande timidité qui m’a valu un isolement social profond sur le banc de l’école. A la rue, j’ai en outre découvert le mépris et l’indifférence dans le regard des gens, ce qui ne m’a pas aidé à m’ouvrir aux autres. Heureusement j’ai rencontré des personnes qui, comme moi, étaient à la rue et avaient développé une critique du système existant et de cette société de consommation et d’illusion sur la famille et le travail qui est souvent, à mon sens, de l’exploitation.
Induire que mon positionnement personnel sur la société relève d’une maladie mentale et non d’un positionnement politique me gêne.
En effet en quoi être victime d’une course poursuite à coups de lance pierre dans la montagne relève-t-il du délire paranoïaque ? la vie est parfois tellement hallucinante que plutôt que se poser des questions sur les oppresseurs, on qualifie les oppressés de malades.
J’ai en outre du mal à comprendre pourquoi, avec un poids de 50 kg pour 1m68 j’ai encore une dose d’abilify de 400mg, soit une des plus fortes. Ce médicament m’handicape dans ma vie professionnelle me créant des vertiges réguliers. Suis-je la seule ? J’écris ici aussi en espérant des retours d’autres personnes n’échangeant que rarement avec d’autres personnes psychiatrisées depuis ma sortie de l’hôpital.
Je me sens coincée. Sachant qu’un arrêt brutal des médicaments risquerait de créer en moi une « crise de folie », je suis dépendant du bien vouloir de mon psychiatre de baisser ma dose de cheval.
Ce témoignage vise à interroger la divergence entre le diagnostic psychiatrique et l’expérience réelle vécue par le patient car je peux vous assurer, après une dizaine de passages dans des hôpitaux psychiatriques différents, en Espagne, en Italie et en France, qu’être malade relève souvent d’un
parcours de vie plus que de neurones mal agencés. Par exemple pourquoi trouve-t-on tant de SDF à l’hôpital psychiatrique ? est-ce la rue qui rend fou/folle ou la manière de vivre des gens à la rue qui dérange ? suis-je malade ou simplement antisocial (cf la chanson de trust : https://www.youtube.com/watch?v=WfD8Dnh2xho ) ?
Merci pour votre lecture et surtout pour vos retours
Gaëtane
tymal@riseup.net
Un autre monde
Nous vivons tous dans un système de croyance qui façonne notre manière d’envisager le monde, les psys comme les patients. Pour les psys notamment une