Suivie en psychiatrie depuis environ 15 ans, j’ai de graves problèmes à relever dans le traitement des patients, personnes en situation de fragilité, tel qu’il peut être réalisé. Mais heureusement, depuis environ 5 ans, j’ai pu aussi observer des améliorations, des progrès réels.
Il reste et j’ai pu constater ce point à chaque moment de mon suivi, qu’il existe évidemment une grande disparité dans l’attitude des psychiatres. Comme dans toute catégorie de personnes, il y a des bons et des mauvais. En psychiatrie, la caricature de ce que j’ai pu observer comme mauvais soignant est : un homme imbu de lui-même, persuadé d’être très sain mentalement, dénué de ce doute qui peut être fragilisant certes, celui du scrupule et ne reconnaissant pas la moindre valeur à la personne regardée seulement comme faible, ni à sa parole. Balayant d’un regard méprisant tous les leviers de résilience que la personne a forcément déjà su mettre en place dans sa vie et qu’elle ne peut peut-être simplement pas toujours, à chaque épreuve, garder efficients ou suffisants pour éviter une rechute. Une personne qui vient demander de l’aide a forcément des problèmes d’estime de soi. Elle a besoin de bienveillance : comment est-il possible qu’il soit encore nécessaire aujourd’hui de le rappeler ? Pourquoi leur reconnaissance sociale, leur statut ne sont pas conditionnés par cette évidence ? Je vais continuer en questionnant une autre évidence :
De l’évidence de la santé mentale de certains psychiatres eux-mêmes :
- La première psychiatre que j’ai vue, alors que j’allais chercher de l’aide pour des problèmes de violences sexuelles commises sur moi enfant et adolescente, me dit, lors de la deuxième séance et pour m’arracher l’accord du début d’un traitement par neuroleptiques, avec un air que je qualifierais de tordu et effrayant : « parce que vous aimez la douleur ». (accent mis sur le ez de aimez). Je passe sur ses remarques anti art et son sourire glacial pour ne pas faire trop long.
- En 2009, alors que j’ai souhaité être hospitalisée quelques mois après avoir appris que ma plainte pour viol avait été classée sans suites parce que, m’a expliqué un policier, personne de ma famille ni de mon entourage familial n’a voulu dire le moindre mot sur ce qu’ils savaient, ou ce que j’avais dit ou encore ce qu’ils auraient pu observer et les rumeurs qui circulaient. J’étais en état dissociatif, ai-je compris des années plus tard grâce à une psychologue spécialisée en victimologie. J’avais aussi des pensées intrusives, aujourd’hui, la question de troubles autistiques est posée par l’équipe qui me suit et ce symptôme que j’appelais « Tourette de la pensée » peut être un signe appartenant à ce spectre, ainsi que mes périodes de phobie sociale. L’équipe soignante de l’hôpital a cru bon de croire ma mère, une femme bien sous tout rapport, plutôt que moi qui « délirais » : je fabulais donc. C’est vrai, je m’ennuyais dans la vie, je me suis dit : tiens, invente-toi quelques pédophiles, c’est tellement génial comme destin !
Après de tels exemples de ce que j’ai pu vivre dans ce milieu et des conséquences dévastatrices que cela a eu sur moi, vous pourriez penser que je suis devenue antipsychiatrique et que je n’ai pu constater aucun progrès depuis.
Mais non, j’ai bien essayé de croire que nous pourrions nous passer de la psychiatrie et parfois je pense encore que peut-être un jour, moi-même je le pourrai, mais je reste persuadée que cette discipline et cette profession sont essentielles et doivent exister pour venir en aide à des personnes qui en éprouvent le besoin. Que même le spécialiste le plus bienveillant et le plus consciencieux puisse faire des erreurs, je le comprends aussi mais à la condition qu’il soit en mesure de l’admettre un jour. Personne ne se connaît mieux que le patient lui-même. Je ne remets pas en question la nécessité d’un regard extérieur pour accompagner, aider à dénouer les raisons de certains comportements par exemple, prescrire des médicaments dans certains cas, une hospitalisation. Mais ce regard se doit d’être bienveillant et intelligent. Je ne parle pas de l’intelligence dont ils ont eu besoin pour aller au bout de leur parcours universitaire, elle compte (et beaucoup, pour leur propre self-estime) mais selon moi, la plus importante dans ce genre de professions est d’ordre plutôt humain, empathique, intuitif, respectueux. J’ai travaillé douze ans auprès de publics en situation de fragilité. J’ai bien fait mon travail malgré ma particularité et mes zones personnelles de fragilité. La bienveillance et le respect étaient le point de départ de chacune de mes interactions avec ces personnes. Et c’était la base pour moi : pourtant, je ne suis qu’une pauvre patiente, avec un bagage théorique certainement plus petit, une situation sociale basse et un travail d’ajustement à faire dans le monde professionnel plus grand que pour eux qui sont censés gérer naturellement certains points, notamment sociaux, communicationnels, qui sont plus difficiles pour moi.
Les progrès que j’ai observés :
En 2017, j’ai voulu être hospitalisée pour une rechute, disons pour faire simple et j’ai été suivie par une équipe qui n’était pas parfaite, non mais qui m’a tout de même montré une plus grande considération que lors de ma première hospitalisation. L’équipe m’a appris ce que je vous ai expliqué au sujet de mon hospitalisation en 2009 en reconnaissant que l’attitude de la psychiatrie avec moi à ce moment-là, après celle de ma famille constituait un troisième niveau de traumatisme pour moi, et que c’était grave, autant que les événements violents eux-mêmes. Amen. (ça me rendrait mystique). Le stress post-traumatique a été écrit noir sur blanc dans mon dossier médical. Et enfin, l’équipe me disait ce que contenait ce fameux dossier. Cela a son importance aussi parce que je vais retenter des démarches en justice aujourd’hui, alors que j’ai 41 ans.
On m’a également parlé de l’éducation thérapeutique du patient : progrès théorique et pratique important selon moi. Nous autres, patients, étions enfin au centre de nos soins, au moins sur le papier. En pratique, ça commençait…
J’ai donc vu une nette amélioration à ce moment-là, tout en en repartant un peu bancale un peu bancale tout de même puisque le diagnostic de trouble de l’humeur me laissait dubitative et que le traitement qu’ils m’ont alors prescrit a provoqué un état comme « drogué », éteint, sur moi pendant les mois où je l’ai pris, mais aussi des problèmes sérieux de rein après seulement 2 mois de traitement et une prise de poids importante.
Aujourd’hui que la piste de l’autisme dans mon cas est devenue probable à leurs yeux, la psychiatre qui me suit a déjà reconnu devant moi des erreurs de la psychiatrie à mon sujet. J’ai apprécié.
Je peux citer un autre exemple de progrès important : en victimologie, j’ai appris l’existence de la psychologie corporelle. Certains soignants aujourd’hui ne négligent pas le corps et reconnaissent le lien entre santé mentale et santé physique.
En victimologie, je dois parler aussi de mes problèmes de santé physique. Et nous avons une réelle réflexion sur le lien que peuvent avoir ces problèmes avec ce que j’ai vécu. Enfin, la psychologue m’a parlé d’un centre psychiatrique où la psychologie corporelle était pratiquée, et même où le massage faisait partie du soin. Je vous la refais : Amen !
Pour conclure, il faut repenser de temps en temps à l’évolution de la prise en charge de la dite « folie » sur le plan historique. Pour faire court, je ne retiendrais qu’une phrase que j’ai entendue avec bonheur de la bouche d’un médecin sans problèmes d’ego (il y en a) : la médecine n’est pas une science exacte.